Ciel, mes personnages ! #3 Acolytes et seconds couteaux

Où nous nous penchons sur les écueils guettant le jeune écrivain hardi lors de l’écriture de personnages secondaires.

Bonjour !

Je fais une pause entre deux corrections de la Mangrove Carnivore pour publier un nouvel article (*fanfare*).

Dans la suite logique de cette série d’articles concernant l’écriture de personnages, il est temps de passer aux laissés pour compte, aux oubliés, à ceux qui n’ont même pas le droit à une petite prophétie de derrière les fagots : les personnages secondaires.

Ah, mais non, me direz-vous, pourquoi viens-tu nous parler de cette bande de losers ? A quoi je répondrais fermement (mais avec bienveillance) : « Lecteur.trice, arrête ton.ta char.ette. »

Comment passer sous silence cette masse de personnages de tous poils qui donnent tant de saveur à un récit ? Y aurait-il un Seigneur des Anneaux sans la diligence et la loyauté de Sam Gamegie? Un Avatar sans le vendeur de choux ? Un Harry Potter sans tous.tes ces élèves de Poudlard, secondaires, certes, mais variés et tous.tes talentueux.ses à leur manière ?

Ceci est mon hommage aux personnages secondaires, aux éternel.les acolytes, aux sacrifié.e.s sur l’autel du lore et consort.e.s. C’est un clin d’œil à celles et ceux qui ont le sentiment (à tort !) de ne pas être les héros de leur propre vie.

 

Celle.celui qui aurait pu être le héros

 

 

 

 

Commençons bien, commençons fort. Il vous est sûrement déjà arrivé de lire un roman dont le héros paraissait fade, voire dispensable, par rapport à d’autres personnages, certes secondaires, mais qui faisaient avancer l’intrigue. Il est parfois difficile de doser l’implication de tous les personnages dans l’histoire, surtout qu’au cours de l’écriture, certains ont tendance à se « rebeller » et à prendre une vie propre (par exemple quand on réalise que le scénario décidé à la base ne colle en fait pas à la personnalité d’untel, qu’il serait plus intéressant de faire quelques ajustements et qu’on se retrouve à tout réécrire).

Que faire, donc, de ces personnages secondaires qui se révèlent être davantage que la minuscule portion qu’on leur avait attribué au début ? Que faire de ces anomalies qui éclipsent le héros ou l’héroïne ?

Face à cette déchirante question, comme pour beaucoup de choses, il y a plusieurs écoles. La première consisterait à recadrer l’insolent personnage, soit en lui retirant ce qui le rend intéressant, soit en rendant le héros plus captivant. La seconde serait de simplement ôter de l’histoire cet outrecuidant.e (quitte à lui réserver une aventure en solo dans un autre livre). Une troisième, enfin, viserait à se laisser porter par les personnages et le récit, et ne pas hésiter à faire quelques modifications pour laisser de l’espace à ce personnage qui ne cherche qu’à s’exprimer. Après tout, est-ce vraiment grave si le récit ne se déroule pas tout à fait comme prévu ?

 

Celui.celle qui cache bien son jeu

 

 

 

 

Parfois, les personnages les plus banals cachent d’incroyables secrets. Atouts dans la manche de l’auteur.trice pour un rebondissement ou un twist final, il vaut mieux veiller à disséminer quelques indices pour ne pas créer un fâcheux deus ex machina (assez mal vu, en général).

Mentors bourrus qui s’avèrent être des chevaliers de légende, ami d’enfance disposant d’un don fabuleux ou encore vieilles paysanne se révélant être des fées, ce procédé très fréquent nous apprend à regarder au-delà des apparences.

Comme dans beaucoup de domaines, c’est la dose qui fait le poison. S’il est tout à fait normal de laisser vos personnages secondaires avoir leurs petits secrets, il se peut que vos lecteurs.trices râlent si vous forcez trop la dose.

 

Celle.celui sert de faire-valoir

 

 

« Tu es doué petit, très doué. Mais tant que je serais dans le métier, tu ne seras jamais que le second. »

 

Triste vie que celle de ces personnages secondaires qui ne servent qu’à mettre en valeur le personnage principal. Ce procédé consiste à montrer combien le héros ou l’héroïne est extraordinaire en poussant la comparaison avec d’autres personnages. Pour cela, plusieurs possibilités.

La première consiste à doter le personnage principal d’un ou plusieurs acolytes moins doués que lui.elle (en escrime, en magie, en origami ou autre selon le sujet de votre histoire). La comparaison sera en défaveur de ses compagnons et montrera combien votre héros ou héroïne est beau.belle/fort.e/intelligent.e/doué.e en origami. (Si vous parvenez à vous arranger pour ne pas rendre votre personnage principal odieux.se dans la foulée, c’est mieux.)

La seconde repose également sur une comparaison, mais cette fois-ci avec des personnages très doués (champion d’origami, magicien émérite, meilleure fine lame du royaume, etc). Ces personnages peuvent être des amis, des rivaux, des rivaux devenus amis… Le procédé est simple : en montrant que le héros ou l’héroïne est meilleur.e en origami que le champion du monde, on achève de démontrer à quel point il est hors-norme. Utile si vous devez insister sur le fait que votre personnage est l’élu qui sauvera le monde avec la puissance de la grue en papier.

De nombreuses déclinaisons existent pour cette mise en valeur du héros. Mais je me sens toujours un peu triste pour ces pauvres acolytes et ces rivaux qui ne dépasseront jamais l’élu pour la simple raison que c’est… ben l’élu.

 

Celui.celle n’est là que pour  la romance

 

 

 

 

Pas que je sois contre les histoires d’amour, ne vous méprenez pas. Seulement j’aime bien lire des personnages multidimensionnels, m’voyez. Alors quand un personnage débarque et que la seule chose qu’on sait de lui.elle, c’est les papillons qu’il.elle provoque dans le ventre du héros ou de l’héroïne, ça me rend méfiante. Il y a anguille sous roche. Je continue à lire avec une attention accrue : je guette l’évolution du personnage.

L’amour, donc. Un personnage peut-il n’être envisagé qu’à travers le prisme du sentiment amoureux et avoir de la profondeur ? Est-il correct de créer un personnage en pensant « petite copine du héros » ou « mystérieux millionnaire qui va sortir l’héroïne de sa vie minable de femme (aïe) célibataire (aïe) et pauvre (ouille) » ? Un love-interest cantonné à un rôle unique peut-il être intéressant ?

J’aurais tendance à préférer les personnages qui sont pensés d’abord comme des êtres humains plutôt que comme des rôles. Un personnage peut tout à fait être la petite copine du héros, entre autres choses. Cette différence d’intention se sent à la lecture. Une bonne histoire n’a d’ailleurs pas forcément besoin de romance pour captiver les lecteurs.trices. Dans certains cas, il arrive même que les romances aient un aspect artificiel, quand l’auteur.trice se force à en rajouter « histoire de » ou parce que les lecteurs veulent voir machin avec bidule.

 

Ceux.celles qui consolident l’univers (les héros de l’ombre en littérature de l’imaginaire !)

 

 

 

 

Figurants, je vous aime !

Ces personnages qui peuplent la toile de fond de votre univers sont d’une importance capitale ! Que serait une taverne d’héroïc fantasy sans ce mec encapuchonné attablé dans l’ombre ? Une place de marché sans sa foule colorée venue des quatre coins du pays ? Un petit village de montagne sans ses vieillards sentencieux assis sur leur banc ? Au delà du cliché, cette foule qui évolue en arrière plan de votre roman donne de la matière à votre univers, elle le consolide.

Ces figurants permettent de montrer qu’en dehors de l’histoire principale, des milliers d’autres histoires se nouent et se dénouent. Les paysans, par exemple, ne se contentent pas de cultiver leurs champs : ils vivent, paient des impôts, peut-être même il y a-t-il de sombres vendettas dans leur histoire familiale. Une tavernière n’est-elle que son métier ? D’où vient-elle ? Peut-être que le fait d’être propriétaire d’un établissement lui a permis de gagner une indépendance dont elle n’osait rêver ? Peut-être a-t-elle hérité de cette taverne ? Peut-être que des prétendants lui tournent autour, attirés par sa stabilité financière ? Peut-être, peut-être…

Sans faire déborder cette multitude d’histoires sur le récit principal, je pense qu’il est important de garder en tête que ces figurants sont bien plus que de simples ombres évoluant en arrière-plan. Ils donnent au récit goût de concret et peuvent rendre votre univers bien plus vivant que n’importe quelle quête épique.

Alors, toujours aussi secondaires, ces personnages ?

Ce troisième volet de Ciel, mes personnages ! est maintenant terminé. J’espère qu’il vous a plu. Le prochain article portera sur l’écriture des personnages féminins, et s’attachera à déconstruire certaines vilaines habitudes.

Je vous souhaite un bon week-end !

 

Auteur : aztargamimcour

Jeune touche-à-tout au parcours chaotique, passionnée de lecture et d'écriture je publie sur mon blog textes, dessins et conseils.

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